Fibres nerveuses dans un cerveau humain adulte en bonne santé, IRM, Wellcome Images. Crédit : Zeynep M. Saygin, McGovern Institute, MIT, Wellcome Images via Flickr/CC BY-NC-ND 2.0
Lorsque nous entendons le mot « métabolisme », la nourriture est probablement la première chose qui nous vient à l’esprit. Mais le métabolisme ne se limite pas à tirer de l’énergie de ce que nous mangeons.
Le métabolisme englobe toutes les réactions biochimiques qui se produisent actuellement dans notre corps. Il couvre l’énergie que nous générons en décomposant les grosses molécules de notre alimentation, mais aussi la façon dont nous utilisons cette énergie pour fabriquer tout ce dont nos cellules ont besoin pour continuer à fonctionner.
Cela signifie que le métabolisme peut agir comme un baromètre de la santé cellulaire. Et une cellule qui devient cancéreuse peut modifier ces signaux de manière révélatrice.
L’étude des caractéristiques du métabolisme d’une tumeur est utilisée pour améliorer le diagnostic et aider à surveiller si un médicament fonctionne ou pas plus tôt que nous ne le pouvons aujourd’hui. Mais maintenant, les scientifiques pensent que cela pourrait révéler autre chose, au moins pour les tumeurs cérébrales.
En écoutant le bavardage chimique de plusieurs types différents de tumeurs cérébrales, de nouvelles recherches, publiées dans la revue PLOS ONE, ont découvert que, de manière inattendue, ces tumeurs partagent des schémas métaboliques distincts. Et c’était même vrai pour les tumeurs qui n’ont pas commencé dans le cerveau, mais s’y sont propagées à partir d’une autre partie du corps.
Cela suggère que les tumeurs dans le cerveau cooptent certains contrôles cellulaires de manière similaire pour prospérer dans cet environnement unique, selon les auteurs. S’ils sont confirmés, les travaux ouvrent potentiellement de nouvelles voies pour la recherche thérapeutique.
Connexions douces
L’équipe financée par Cancer Research UK s’est intéressée au métabolisme des tumeurs, car les cellules cancéreuses présentent une bizarrerie métabolique caractéristique. Contrairement aux cellules saines, les cellules cancéreuses génèrent du carburant en décomposant le sucre – sous forme de glucose – en utilisant un processus qui ne nécessite pas d’oxygène, même lorsque les cellules ont beaucoup d’oxygène disponible. C’est ce qu’on appelle l’effet Warburg.
Dans cette dernière étude, les scientifiques recherchaient des modèles particuliers dans le métabolisme des cellules tumorales cérébrales. Plus précisément, ils recherchaient des relations, ou des corrélations, dans les niveaux de molécules produites au cours du métabolisme, appelées « métabolites ».
« À l’intérieur de la cellule, ces métabolites ont un réseau complexe », explique le chercheur principal, le Dr Madhu Basetti, du Cancer Research UK Cambridge Institute.
« Nous avons examiné le contenu métabolique de toutes les cellules d’une tumeur, à la recherche de connexions. »
L’équipe a utilisé les données disponibles sur le contenu chimique de 378 échantillons de patients provenant de 5 types différents de tumeurs cérébrales : glioblastomes, astrocytomes, méningiomes, oligodendrogliomes et tumeurs qui s’étaient propagées au cerveau, appelées métastases cérébrales.
Beaucoup de points communs
À leur grande surprise, les chercheurs ont découvert que ces tumeurs avaient toutes un métabolisme étonnamment similaire.
« Les résultats ont été un grand choc ; tous les types de tumeurs avaient pratiquement le même schéma de relations avec les métabolites », a déclaré le chercheur principal, le professeur John Griffiths, également de notre institut de Cambridge.
Les résultats ont été un grand choc
– Professeur John Griffiths
« Et ces relations n’étaient pas seulement entre les seules substances chimiques dont nous nous attendions à ce qu’elles interagissent les unes avec les autres ; nous avons observé des corrélations entre des pools entiers de produits chimiques similaires. Ce nouveau résultat suggère que les cellules ont des mécanismes pour contrôler la taille de ces pools, plutôt que simplement la quantité de chaque produit chimique individuel. »
Ces découvertes étaient particulièrement inattendues car elles étaient si similaires dans les tumeurs provenant de nombreux types de cellules différents. Les méningiomes, par exemple, proviennent du tissu protecteur qui enveloppe le cerveau et la moelle épinière, tandis que les astrocytomes proviennent des cellules qui soutiennent et alimentent les cellules nerveuses.
Mais ce qui était encore plus déroutant pour les scientifiques, c’était la découverte que les métastases cérébrales semblaient également partager ces modèles dans leur métabolisme, même si elles commençaient dans des parties complètement différentes du corps. Les tumeurs qu’ils avaient propagées comprenaient des cancers du poumon, du sein, de l’œsophage et du rein.
Rupture des relations
Le cerveau étant un environnement hautement spécialisé, les chercheurs pensent que les tumeurs pourraient adopter des stratégies de survie similaires afin de se développer dans cette zone unique du corps.
« Peut-être qu’il existe un ensemble d’astuces que les cellules cérébrales utilisent pour communiquer entre elles et se nourrir, et lorsque les cellules cancéreuses vivent dans le cerveau, elles doivent elles-mêmes utiliser ces mêmes astuces », explique Griffiths.
À l’avenir, cela pourrait signifier que nous pourrions développer des médicaments qui endommagent spécifiquement ces mécanismes de survie
– Professeur John Griffiths
Si d’autres recherches étayent cette idée et identifient ces tactiques dont les tumeurs cérébrales ont besoin pour se développer, cela pourrait avoir des implications pour la recherche sur les traitements.
«À l’avenir, cela pourrait signifier que nous pourrions développer des médicaments qui endommagent spécifiquement ces mécanismes de survie», explique Griffiths.
Bien que cette possibilité soit encore lointaine, cette découverte alimentera, espérons-le, de nouvelles recherches dans ce domaine fascinant. Et plus les scientifiques développent de connaissances, plus ils sont susceptibles de trouver de nouvelles façons de lutter contre la maladie. La survie des tumeurs cérébrales restant obstinément faible, c’est quelque chose dont nous avons un besoin urgent.
Justine
Basetti, M. et al. (2017). Exploration du métabolisme des tumeurs cérébrales humaines à l’aide d’une analyse de corrélation métabolite-métabolite par paire (MMCA) des spectres RMN 1H HR-MAS. PLOS UN.